L'Assemblée nationale refuse par 258 voix contre 217 de constituer une commission d'enquête sur les écoutes téléphoniques

La réalité des écoutes téléphoniques et les mœurs révélées par l'affaire du " Canard enchaîné " continuent de susciter l'intérêt et l'inquiétude des formations politiques. Le groupe Union centriste de l'Assemblée nationale vient ainsi de demander audience à M. Messmer pour s'entretenir de ces questions, et M. Michel d'Ornano, président du groupe des républicains indépendants à l'Assemblée, a annoncé que son groupe déposera prochainement une proposition de loi tendant à donner un " cadre légal " aux écoutes téléphoniques.Le " scandale " est dénoncé par tout le monde, mais, une fois les principes posés, on a, semble-t-il, tout dit. C'est du moins l'impression que l'on ressentait en assistant, vendredi, au Palais-Bourbon, au débat sur la proposition de M. Mitterrand demandant que soit créée une commission d'enquête sur les écoutes téléphoniques. Aucun élément nouveau n'a en effet été apporté, ni par le gouvernement, qui a protesté de ses bonnes intentions, ni par l'opposition, qui n'a pu que redire ses certitudes.L'Assemblée était plutôt, ce vendredi, un salon. MM. Mollet et Marette discutaient courtoisement des mérites des écoutes sous la IVe et la Ve République, MM. Frèche et Perronnet détaillaient les techniques employées, M. Comiti attendait qu'on veuille bien le laisser parler. On rapporte certains ragots sur les anciennes amitiés de M. Frèche pour la pensée politique chinoise et ses démêlés avec l'administration suisse. Il y eut même l'" invité-mal-élevé ", M. Robert André Vivien, qui rappela que M. Mitterrand, sous la IVe République, était écouté par M. Mollet. Celui-ci répliqua, ne s'expliqua pas, parla des écoutes du pouvoir, fut applaudi par la gauche (M. Mitterrand, toutefois, s'abstint). On applaudissait et on protestait quand il le fallait : c'était charmant, on était en bonne compagnie.Pour qu'une soirée soit réussie, il faut qu'il y ait un élément récréatif. Il eut lieu. M. Defferre, souhaitant entendre M. Marcellin sur...

Par MICHEL SCHIFRES.

Publié le 17 décembre 1973 à 00h00, modifié le 17 décembre 1973 à 00h00

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M. FOYER (U.D.R.), président et rapporteur de la commission des lois, précise que la commission s'est prononcée contre l'adoption de cette proposition.

M. COMITI, ministre chargé des relations avec le Parlement, rappelle ensuite la position du gouvernement en ce domaine : " Les écoutes téléphoniques peuvent être utilisées pour assurer la sécurité de l'État, la sauvegarde des institutions républicaines, la prévention des crimes et délits et la protection des personnes. Il n'est pas possible de renoncer à utiliser ce moyen d'information, quelles que soient les campagnes de protestation qui ne constituent que des procès d'intention. " Tous les gouvernements ont agi de même, estime le ministre, qui cite le cas de M. Mitterrand lorsque celui-ci était ministre de l'intérieur.

LE PREMIER SECRÉTAIRE DU P.S. proteste : sans doute des écoutes étaient-elles pratiquées, mais elles étaient entourées de " précautions infinies ". " Ce que nous demandons au gouvernement, dit-il, c'est de montrer les mêmes scrupules, de respecter toutes les formations politiques qui représentent le pays et l'opinion et de ne pas se servir des écoutes à ses fins propres. " (Applaudissements des députés de gauche, des réformateurs et de M. HAMEL (rép. ind.).

M. COMITI estime que M. Mitterrand et les socialistes " demandent aujourd'hui de faire ce qu'ils n'ont pas fait eux-mêmes hier " quand ils gouvernaient. " Et, dit-il encore, qu'ils n'avancent pas, que la situation est pire que de leur temps. Nous sommes suffisamment renseignés sur les pratiques de l'époque pour affirmer le contraire. "

M. GUY MOLLET (P.S.) : " Des exemples. "

M. TERRENOIRE (U.D.R.) : " Le général de Gaulle était écouté. "

M. MOLLET : " Jamais tant que j'ai été président du conseil. "

M. ROBERT-ANDRÉ VIVIEN (U.D.R.) : " J'ai rappelé récemment, au cours d'un débat radiophonique, une déclaration qui figure à la page 33 du livre de François Mitterrand, Ma part de vérité. Notre collègue écrit que M. Mendès France, M. Defferre et lui-même, parce qu'ils n'étaient pas " dans la ligne ", faisaient l'objet d'une suspicion et que leurs communications téléphoniques étaient passées au crible. A l'époque, le président du conseil s'appelait M. Guy Mollet ! " (Rires et applaudissements sur les bancs de la majorité.)

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